Lors du Forum national Entreprendre dans la culture, qui s’est tenu du 1er au 3 juillet à Paris, sept entrepreneurs marocains issus des industries culturelles et créatives ont présenté leurs projets. Une vitrine précieuse pour un secteur en pleine expansion, au carrefour de l’innovation, du patrimoine et des technologies numériques.
Le Maroc était à l’honneur début juillet à Paris à l’occasion du Forum national Entreprendre dans la culture. Le pays du Maghreb, en pleine effervescence artistique, y a dépêché une délégation de sept entrepreneurs venus mettre en lumière la richesse et le dynamisme des industries culturelles et créatives (ICC) marocaines. De l’architecture à l’artisanat, du cinéma à l’animation en passant par le podcast ou l’intelligence artificielle, cette scène émergente incarne un vivier artistique en plein renouvellement.
Cette présence remarquée s’inscrit dans le cadre d’une coopération franco-marocaine en plein renforcement. En février dernier, la ministre française de la Culture s’était rendue au Maroc pour entériner neuf accords entre opérateurs culturels des deux pays, notamment dans les domaines du jeu vidéo, de l’audiovisuel et du cinéma. Quelques mois plus tôt, en décembre 2024, une délégation française avait déjà participé à Rabat au Forum marocain des ICC. La participation marocaine au rendez-vous parisien de juillet relève donc d’une logique de réciprocité dans une dynamique d’échanges artistiques et économiques de plus en plus structurée.
Ancrer l’innovation dans la mémoire
Parmi les projets les plus salués figure celui de l’agence Mala-Studio, fondée à Fès par Mohammed Amine Loukili. Architecte formé en France, il est revenu dans sa ville natale avec une conviction forte : faire dialoguer patrimoine ancestral et innovation contemporaine. Dans cette cité impériale, où les techniques de construction sont héritées des siècles passés, il œuvre à la revalorisation des ruines à travers des projets de tiers-lieux à ciel ouvert. « Il suffit de regarder par la fenêtre pour apprendre », souligne-t-il, en opposition à l’idée dominante d’un bâtiment conçu pour durer moins d’un siècle.
Cette volonté de réhabilitation du patrimoine se retrouve aussi au cœur d’Anou, une coopérative créée par Hamza Cherif D’Ouezzan. Son ambition : permettre aux artisans marocains – en majorité des femmes vivant en milieu rural – de vendre leurs créations sans intermédiaire. Aujourd’hui, Anou est une plateforme gérée collectivement, favorisant l’autonomie économique, la valorisation des savoir-faire et la relocalisation des matières premières comme la laine. La création de la première ferme solaire du pays pour produire une laine écoresponsable marque une étape clé dans cette ambition, mêlant artisanat et transition écologique.
Le son, l’image et les récits engagés
L’audiovisuel marocain, en pleine croissance, s’est aussi distingué. Le studio Les Bonnes Ondes, fondé à Casablanca par Yasmine Mahjoubi, produit des podcasts autour de récits sociaux, culturels et environnementaux souvent invisibilisés. Avec plus de 1,3 million d’écoutes cumulées en 2024 et un festival dédié, Amwaj, ce studio s’impose désormais comme un acteur central de l’écosystème sonore marocain.
Le cinéma bénéficie pour sa part de nouvelles initiatives. La productrice Lamia Chraibi a cofondé la Fondation Tamayouz Cinéma, qui œuvre à rééquilibrer la place des femmes dans un secteur où elles ne représentent que 26 % des productrices et 19,5 % des réalisatrices. Grâce à ses ateliers TAP (Tamayouz Atelier Pro), la fondation accompagne une nouvelle génération de créatrices, depuis l’idée initiale jusqu’au développement du scénario et du plan de financement.
Dans le domaine de l’animation, encore en développement au Maroc, Ali Rguigue a lancé les studios Artcoustic, puis la première école spécialisée du pays : Flow Motion School. Cette formation gratuite de huit mois a déjà permis à 90 élèves de se former. L’un des projets issus de l’école, Malik, a même été présenté au marché du film de Cannes, signe de la vitalité d’un secteur émergent mais prometteur.
Le virage numérique et l’essor de l’IA
La participation marocaine au Forum a également mis en avant les avancées du pays dans les technologies immersives et les arts numériques. Hamid Lakhdar, fondateur de la structure Ofoto, a présenté l’exposition AIAE – Artificial Intelligence Arts Exhibition, organisée à Casablanca en 2023. L’événement a permis de faire dialoguer art génératif et intelligence artificielle, avec notamment la participation du collectif Obvious. Une deuxième édition est en préparation, cette fois centrée sur la reconstitution d’événements historiques par l’IA.
Autre initiative innovante : celle de Mobdie, entreprise fondée à Fès par Mohammed Slaoui. Après avoir proposé des ateliers en présentiel sur la robotique, Mobdie a lancé des box éducatives qui allient découverte du patrimoine et apprentissage technologique. Chaque mois, petits et grands peuvent assembler chez eux un monument emblématique du Maroc, tout en se familiarisant avec la robotique. Avec ses robots personnalisables et une offre accessible à toutes les générations, Mobdie vise désormais le marché français.
Un élan créatif à l’international
À travers ces initiatives, c’est toute une scène artistique marocaine contemporaine qui s’est exprimée à Paris. Portés par des entrepreneurs ancrés dans leur territoire mais résolument tournés vers l’international, ces projets témoignent d’une ambition nouvelle, mêlant tradition et innovation, inclusion sociale et développement économique.
Le Forum national Entreprendre dans la culture a ainsi offert une vitrine précieuse à ces talents marocains. Et renforcé un peu plus les ponts entre la France et le Maroc, unis par une histoire culturelle commune, et désormais par une vision partagée des industries culturelles et créatives comme levier stratégique de transformation.