Annoncée par le ministre de la Culture, la création imminente à Rabat du Centre national pour la préservation du patrimoine immatériel marque un tournant majeur pour la politique culturelle du Maroc. Plus qu’une simple institution, ce centre incarne une réponse stratégique aux enjeux de sauvegarde, de valorisation et de protection d’un héritage vivant, riche et parfois menacé. Il s’inscrit dans une vision à long terme pour renforcer la position du Royaume en tant que gardien de ses traditions ancestrales.
Une annonce attendue pour la culture marocaine
La nouvelle a été confirmée le 4 novembre 2025 par Mehdi Bensaïd, ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication : le Centre national pour la préservation du patrimoine immatériel verra le jour « dans quelques mois » à Rabat. Cette déclaration, faite devant la Chambre des Conseillers, concrétise une annonce royale de 2022 et répond à une attente forte des acteurs culturels du pays.L’objectif est clair : doter le Maroc d’un outil puissant et centralisé pour inventorier, protéger et promouvoir la richesse de son héritage.
Qu’est-ce que le patrimoine culturel immatériel (PCI) ?
Définition selon l’UNESCO : un héritage vivant
Loin des musées et des monuments en pierre, le patrimoine culturel immatériel (PCI) est un héritage vivant. Selon la définition de l’UNESCO, il englobe les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, les rituels, les événements festifs, ainsi que les connaissances et savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel. C’est un patrimoine qui se transmet de génération en génération, recréé en permanence par les communautés en fonction de leur milieu et de leur histoire.
Exemples concrets au Maroc : du Caftan au Malhoun
Le Maroc est un exemple éclatant de la diversité de ce patrimoine. Des gestes précis des artisans du zellige de Fès à la poésie chantée du Malhoun, récemment inscrite sur la liste de l’UNESCO, le pays regorge de trésors immatériels. On y retrouve également des pratiques sociales comme les rituels liés au henné, des savoir-faire culinaires ancestraux, ou encore l’art de la fauconnerie.Chaque région, chaque ville, chaque communauté est dépositaire d’une partie de cette immense mosaïque culturelle.
Le nouveau Centre national : missions et ambitions
Un outil de sauvegarde et de protection juridique
L’une des missions fondamentales du futur centre sera de renforcer la protection du patrimoine marocain. Il agira en complément de la nouvelle loi n°33.22, un texte conçu pour renforcer l’arsenal juridique du Royaume face aux risques d’appropriation illégale. Alors que la loi fournit le cadre légal, le centre sera l’organe opérationnel chargé de la documentation, de l’inventaire et de la préparation des dossiers de sauvegarde.
Localisation et échéance : ce que l’on sait
Le ministre Mehdi Bensaïd a précisé que le centre sera inauguré à Rabat, la capitale, une fois les travaux en cours finalisés. L’échéance de « quelques mois » suggère une ouverture courant 2026. Cette institution s’ajoutera au réseau déjà existant des Centres d’Interprétation du Patrimoine (CIP), qui jouent un rôle de musée et de médiation dans plusieurs villes du Royaume.
Un rôle de programmation et de valorisation
Le Centre national pour la préservation du patrimoine immatériel ne se contentera pas de conserver ; il aura pour mission de faire vivre cet héritage. Le ministre a insisté sur la nécessité de mettre en place une « programmation à l’image de la diversité de l’histoire du Maroc ». Cela passera par des formations académiques pour les professionnels, des actions de sensibilisation auprès des jeunes générations et la création d’événements pour mettre en lumière la richesse culturelle de toutes les régions du pays.
Une initiative stratégique dans un contexte mondial
Répondre aux enjeux de l’appropriation culturelle
La création de ce centre est aussi une réponse directe aux enjeux géopolitiques de la culture. Face à des tentatives d’appropriation de certains éléments de son patrimoine, comme le caftan ou le zellige, le Maroc se dote d’un instrument pour affirmer et défendre scientifiquement et juridiquement la paternité de ses savoir-faire. L’inventaire méthodique et la documentation rigoureuse seront des atouts majeurs dans ce domaine.
Renforcer la position du Maroc auprès de l’UNESCO
Avec déjà 15 éléments inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2024, le Maroc est un acteur reconnu sur la scène internationale. Le nouveau centre aura pour mission de « consolider les acquis » et de préparer les futures candidatures que le pays souhaite présenter.[1] En professionnalisant la gestion de son patrimoine, le Maroc renforce sa crédibilité et son influence au sein des instances internationales comme l’UNESCO.
Quel avenir pour le patrimoine immatériel marocain ?
La création du Centre national pour la préservation du patrimoine immatériel est bien plus qu’une simple mesure administrative. C’est la promesse d’une nouvelle ère pour la politique culturelle marocaine, une ère où la sauvegarde de l’héritage immatériel devient une priorité nationale. En alliant protection juridique, recherche scientifique et valorisation grand public, ce centre est appelé à devenir le cœur battant de la transmission, assurant que les savoir-faire et les traditions qui font l’âme du Maroc continuent de briller pour les générations futures.

