Deux ans après le séisme d’Al Haouz, Marrakech mène un vaste chantier pour sauvegarder son patrimoine marocain. Au cœur de cette mobilisation, les palais El Badii et Bahia, emblèmes de la ville ocre, font l’objet de restaurations d’envergure alliant savoir-faire traditionnel, expertise scientifique et normes parasismiques.
Le patrimoine marocain confronté à l’épreuve du séisme
Le séisme d’Al Haouz de septembre 2023 a durement rappelé la fragilité du patrimoine marocain. À Marrakech, plusieurs monuments historiques ont été touchés, dont les palais El Badii et Bahia, les tombeaux Saâdiens, les remparts et plusieurs musées. Les dégâts, bien que partiels, ont révélé des fissures profondes, des affaissements locaux et des fragilisations structurelles. Malgré tout, les sites ont rapidement rouvert au public grâce à un programme d’urgence déployé dès octobre 2023.
Cette mobilisation s’inscrit dans une dynamique plus large de protection du patrimoine marocain, comparable à celle observée récemment autour du site archéologique de Volubilis, dont la mise en valeur rappelle l’importance d’entretenir les lieux fondateurs de l’histoire nationale.
Un programme inédit de sauvegarde : experts, études et savoir-faire traditionnels
Une mobilisation immédiate et coordonnée
Dès les premiers jours, les équipes du ministère de la Culture ont engagé des interventions d’urgence : traitement des fissures, étaiement des zones fragilisées, déblaiement des gravats. Pour les sites les plus précieux, des études approfondies ont été menées pendant plusieurs mois, parfois jusqu’à un an, afin d’établir un diagnostic complet avant de commencer les travaux.
La restauration au cœur du patrimoine marocain : maâlems, ingénieurs et laboratoires
La reconstruction repose sur une alliance entre savoir-faire ancestral et expertise moderne. Maâlems, concepteurs, bureaux d’études, laboratoires de matériaux, historiens et conservateurs collaborent pour préserver l’authenticité architecturale tout en renforçant les structures selon les normes parasismiques.
Ce travail minutieux s’inscrit dans la continuité d’autres grands projets nationaux, comme la préservation du Pavillon Hassan II à Séville, qui avait déjà illustré la capacité du Maroc à conjuguer tradition artisanale et innovations techniques.
Intégrer les normes parasismiques sans dénaturer les monuments
Consolider sans dénaturer : tel est le défi majeur. Les restaurateurs doivent renforcer les charpentes, stabiliser les murs et sécuriser les sols en utilisant des matériaux compatibles et des techniques réversibles. Cette approche permet de préserver, autant que possible, l’âme des monuments.
Palais El Badii : un chantier de 31,7 MDH pour restituer la majesté saâdienne
Les dégâts observés après le séisme
Le Palais El Badii, chef-d’œuvre saâdien construit au XVIᵉ siècle, a subi des fissures et des effondrements localisés. Les premières interventions ont porté sur la sécurisation des zones risquant l’effondrement et le renforcement d’urgence de certaines structures.
Un projet de 18 mois déjà réalisé à 40 %
Doté d’un budget de 31,7 millions de dirhams, le chantier d’El Badii affiche aujourd’hui un taux d’avancement de 40 %. Les travaux concernent la consolidation des structures, la stabilisation des vestiges, la restauration des murs et la mise en sécurité des espaces ouverts aux visiteurs.
Un monument hautement symbolique
Restaurer El Badii, c’est préserver un pilier du patrimoine marocain. Sa monumentalité, ses vastes bassins et ses vestiges majestueux rappellent la grandeur architecturale saâdienne, toujours admirée par des milliers de visiteurs chaque année.
Palais de la Bahia : préserver un chef-d’œuvre de l’art marocain en mouvement
Les dommages : grand riad, menzah, fissures
Le Palais de la Bahia, véritable encyclopédie des arts décoratifs marocains, a été touché au niveau du grand riad, du menzah et de plusieurs pavillons. Les fissures ont révélé une fragilité structurelle nécessitant des interventions rapides.
Réouverture express, puis étude d’un an avant restauration
Le palais a rouvert dès un mois après le séisme grâce à des interventions d’urgence. Ensuite, une longue étude technique a permis d’identifier précisément les zones à restaurer. Le chantier, aujourd’hui achevé à 30 %, s’étend des jardins aux pavillons, en passant par les murailles et la structure interne.
Un symbole vivant de Marrakech
La Bahia est l’un des sites les plus visités du Maroc. Sa restauration est donc stratégique, tant pour la conservation du patrimoine marocain que pour la dynamique culturelle et touristique de la ville.
Au-delà des palais : un vaste chantier de reconstruction du patrimoine marocain
Les tombeaux Saâdiens, remparts et musées également concernés
Les tombeaux Saâdiens, les remparts historiques et plusieurs musées figurent aussi dans la liste des monuments ayant requis une intervention. Leur restauration progresse rapidement.
Cette dynamique nationale rejoint d’autres initiatives comme la renaissance patrimoniale d’Essaouira, qui illustre l’ampleur de l’effort de conservation déployé dans tout le pays.
La restauration de 299 zaouïas et sanctuaires
Le ministère des Habous a par ailleurs lancé des appels d’offres pour restaurer 299 zaouïas et sanctuaires endommagés, confirmant l’ampleur de l’opération de sauvegarde.
Le soutien international : l’UNESCO aux côtés du Maroc
L’UNESCO a soutenu le Maroc dès les premières semaines en dépêchant des spécialistes pour évaluer l’étendue des dégâts. L’expertise des experts de l’UNESCO a permis de dresser un diagnostic précis de la médina de Marrakech, du Ksar Aït Ben Haddou ou encore de Tinmel.
Un patrimoine marocain résilient : vers une transmission renforcée
Les chantiers en cours témoignent d’une mobilisation nationale ambitieuse. Le séisme a mis en lumière la vulnérabilité du patrimoine marocain, mais aussi sa capacité à renaître grâce aux artisans, aux ingénieurs, aux conservateurs et au soutien international. À travers la restauration d’El Badii, de la Bahia et de tant d’autres sites, Marrakech participe à la transmission d’un héritage précieux et résilient.

