La 30ᵉ édition du Festival international du film d’auteur de Rabat fête ses trois décennies d’existence. L’événement a posé une véritable déclaration d’intention, entre hommages à des icônes comme l’actrice égyptienne Leïla Eloui et l’inauguration stratégique d’un marché du film. Le festival regarde autant vers son prestigieux passé que vers un avenir qu’il entend bien façonner. Plus qu’un simple anniversaire, cette édition a marqué la mue d’une vitrine cinématographique en un véritable moteur pour le cinéma d’auteur.
Une 30ᵉ édition entre célébration et ambition
Depuis sa création en 1994, le Festival de Rabat s’est donné pour mission d’être un « pont entre le cinéma d’art et de pensée et le public ». Trente ans plus tard, cet engagement envers un cinéma exigeant et indépendant reste le cœur de son identité.
Les temps forts d’une programmation éclectique
Du 8 au 14 novembre, la capitale marocaine a vibré au rythme du cinéma mondial avec plus de 150 films projetés. L’invitation du Sultanat d’Oman comme pays d’honneur a permis de découvrir les voix émergentes du Golfe, tandis que les hommages rendus à des figures majeures ont souligné la portée internationale de l’événement. En célébrant l’Égyptienne Leïla Eloui, la réalisatrice burkinabée Apolline Traoré et l’acteur libanais Georges Khabbaz, le festival a tissé des liens entre les différentes cinématographies arabes et africaines, réaffirmant son rôle de carrefour culturel.
Un jury international pour un rayonnement mondial
La crédibilité d’un festival se mesure aussi à la qualité de son jury. Présidé par l’acteur et réalisateur français Jean-Claude Barny, il réunissait des personnalités aussi diverses que le producteur marocain Karim Debbagh, la productrice iranienne Elaheh Nobakht et les cinéastes marocains Hicham Lasri et Khaoula Sebahi. Un choix cosmopolite qui se veut gage d’un regard pluriel et de la dimension internationale du festival.
Au-delà des projections : le festival comme écosystème
La véritable nouveauté de cette 30ᵉ édition du Festival international du film d’auteur de Rabat s’est peut-être jouée en coulisses. Avec des initiatives structurantes pour l’avenir, le festival a montré son ambition de devenir un acteur incontournable de l’industrie cinématographique.
Le premier marché du film : une révolution pour les professionnels
Pour la première fois de son histoire, le festival a inauguré un marché du film. Il faut bien comprendre la différence : un festival célèbre l’art du cinéma, tandis qu’un marché en organise le commerce. C’est un lieu de rencontres crucial où les réalisateurs peuvent trouver des financements, où les producteurs peuvent vendre leurs projets et où les distributeurs peuvent acquérir des films. En se dotant d’un tel outil, Rabat offre un soutien vital au cinéma indépendant, souvent fragile économiquement, et se positionne comme un hub stratégique pour les professionnels du secteur.
La nouvelle vague du documentaire mise à l’honneur
Autre initiative majeure : la création d’une compétition dédiée au film documentaire. Ce choix permet de reconnaître l’essor spectaculaire de ce genre au Maroc et en Afrique, porté par une nouvelle génération de cinéastes qui s’emparent du réel avec audace. La présidence de ce jury a été confiée à Asmae El Moudir, réalisatrice marocaine dont le film « La Mère de tous les mensonges » a été primé à Cannes. Un symbole fort qui ancre le festival dans la modernité cinématographique.
Rabat, capitale du cinéma d’auteur : un rôle réaffirmé
En plus d’attirer le cinéma du monde, le festival est aussi un miroir de la vitalité de la création nationale, créant des ponts entre les différentes disciplines artistiques.
« Traces nomades » : quand le festival explore l’art marocain
Un exemple concret de ce dialogue est la projection du documentaire « Traces nomades », consacré au parcours de l’artiste peintre Brahim El Haissan. En programmant un film qui explore les liens entre la peinture, le désert et l’identité, le festival montre qu’il ne se contente pas de diffuser des œuvres, mais qu’il participe activement à la réflexion sur la scène culturelle marocaine dans son ensemble.
Un carrefour pour les cinémas du Sud
En mettant en avant une sélection africaine riche et en invitant un pays du Golfe comme Oman, la 30ᵉ édition du Festival international du film d’auteur de Rabat a clairement affirmé son positionnement géopolitique et culturel. Il se veut une plateforme essentielle pour la circulation des œuvres, des récits et des sensibilités des pays du Sud, offrant une alternative aux grands circuits occidentaux.

