Une récente mission archéologique maroco-polonaise près de Volubilis a mis au jour des tours de guet romaines et un monument funéraire de tradition locale. Ces découvertes exceptionnelles, situées aux frontières de l’ancienne province de Maurétanie Tingitane, offrent un nouvel éclairage sur la présence militaire de Rome au Maroc et sur le dialogue entre les cultures impériale et autochtone.
Une mission maroco-polonaise aux frontières du temps
Contexte et partenariat scientifique
Sous le soleil de Meknès, la cité antique de Volubilis, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, continue de surprendre les archéologues. Chaque campagne de fouilles dévoile de nouveaux fragments de l’histoire ancienne du royaume, témoins d’un passé où se mêlaient cultures berbère, punique et romaine.
Dernière en date : une mission conjointe menée par l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine (INSAP) et le Centre polonais d’archéologie méditerranéenne de l’Université de Varsovie (PCMA UW). Achevée le 30 octobre 2025, cette opération a permis la découverte de vestiges remarquables dans les zones périphériques de la cité antique, offrant une nouvelle lecture de la romanisation du Maroc.
Objectifs et portée des fouilles
Selon les responsables de la mission, Fadoua Benjaafar (INSAP) et Radosław Karasiewicz-Szczypiorski (PCMA UW), ces découvertes permettent de mieux comprendre l’organisation militaire et les pratiques funéraires qui structuraient la région aux premiers siècles de notre ère.
Des tours de guet aux confins de la Maurétanie Tingitane
Un maillage défensif aux marges de l’Empire
Les fouilles ont révélé plusieurs tours de guet en pierre, datées entre le Ier et le IIIᵉ siècle. Ces structures faisaient partie du dispositif défensif établi par Rome aux frontières de la Maurétanie Tingitane, la province la plus occidentale de l’Empire.
Elles permettaient d’assurer la surveillance des routes et des zones agricoles, mais aussi de maintenir le contact visuel avec d’autres avant-postes romains, véritables sentinelles de pierre dressées face à l’immensité du territoire.
Ce que cela change pour l’histoire locale
Ces découvertes apportent un éclairage inédit sur la présence militaire romaine au Maroc, encore peu documentée. Elles confirment l’importance stratégique de Volubilis, carrefour de routes commerciales et poste avancé sur les marges de l’empire.
Un tumulus funéraire, témoin d’un dialogue entre civilisations
Description et interprétation
Non loin des tours, les archéologues ont également mis au jour un monument funéraire de type tumulus : un tertre de terre recouvert de petites pierres et ceint d’un fossé circulaire d’environ quarante mètres de diamètre.
Ce type de sépulture, caractéristique des traditions maurétaniennes, atteste de la coexistence entre les rites locaux et l’influence romaine.
Datation et précautions scientifiques
Selon Fadoua Benjaafar, il est encore prématuré de dater précisément le site avant l’étude complète du matériel céramique, mais cette découverte illustre déjà la richesse des échanges culturels entre Rome et les populations autochtones.
Volubilis, carrefour des civilisations
Des origines maurétaniennes à l’empreinte romaine
Bien avant d’être romaine, Volubilis fut un centre prospère du royaume de Maurétanie, probablement fondé par des populations berbères. Sous le règne de Juba II, elle devint une ville florissante, avant de passer sous domination romaine au Ier siècle.
Un trait d’union méditerranéen
Les mosaïques, thermes et temples découverts depuis le XIXᵉ siècle témoignent de la sophistication urbaine atteinte par cette cité. Mais les recherches récentes rappellent que son rôle allait bien au-delà : Volubilis fut un trait d’union entre l’Afrique et le monde méditerranéen, entre traditions africaines et influences latines.
Un patrimoine vivant, entre science et transmission
Préservation et médiation culturelle
Au-delà de l’intérêt scientifique, ces découvertes soulignent l’importance de la préservation du patrimoine marocain. Elles permettent de mieux comprendre comment les civilisations se sont succédé sur ces terres, chacune laissant son empreinte dans la mémoire du pays.
Retombées pour la visite du site
Les fouilles, financées par l’INSAP et soutenues par les autorités locales, participent à un effort plus large : valoriser les sites antiques du Maroc tout en encourageant un tourisme culturel respectueux. Les tours de guet et le tumulus découverts récemment pourraient à terme être intégrés au circuit de visite de Volubilis, enrichissant ainsi l’expérience des visiteurs.
Une fenêtre ouverte sur la mémoire du royaume
Perspectives de recherche
Chaque pierre exhumée autour de Volubilis raconte un fragment du passé : celui d’un Maroc antique, ouvert sur le monde et traversé par les échanges. Ces fouilles récentes rappellent que l’histoire du pays ne s’écrit pas seulement dans les chroniques médiévales, mais aussi sous les couches de terre qui recèlent encore bien des mystères.
De nouvelles campagnes de recherche sont prévues dans les mois à venir. Elles devraient permettre d’affiner la datation des structures et, peut-être, de révéler d’autres témoins de ce dialogue millénaire entre Rome et le Maghreb.

