Le 16 décembre 2023, le Malhoun a été inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Cette reconnaissance internationale témoigne de l’importance historique et culturelle de cet art poético-musical, qui continue d’enchanter les Marocains et de séduire un public mondial. Depuis plus de huit siècles, le Malhoun demeure un pilier de la culture marocaine, alliant poésie vibrante, musique envoûtante et valeurs collectives.
Une tradition enracinée dans l’histoire et la spiritualité
Le Malhoun trouve ses origines au XIIIe siècle, dans la région de Tafilalet, au sud-est du Maroc. Né au sein des zaouïas, ces écoles coraniques dédiées à l’enseignement spirituel, cet art s’est rapidement propagé vers les grandes cités impériales comme Fès, Marrakech et Salé. Il s’est ainsi implanté profondément dans la vie religieuse et les guildes artisanales, devenant un vecteur essentiel de transmission culturelle.
Au fil des siècles, le Malhoun a évolué en intégrant diverses influences : arabo-andalouses, amazighes et subsahariennes, tout en préservant ses racines mystiques et populaires. Loin de se limiter à un simple genre musical, il se distingue par sa dimension poétique et sa capacité à aborder des thèmes universels tels que l’amour, la beauté, la nature, les invocations religieuses, mais aussi des préoccupations sociales et politiques. À travers ses vers et ses mélodies, et parfois même par le théâtre, le Malhoun instruit, réconforte et invite à la réflexion, tout en offrant une voix aux questionnements de la société marocaine.
Pratique collective et immersion totale
L’un des aspects les plus fascinants du Malhoun est sa dimension profondément collective. La musique, jouée sur des instruments traditionnels comme le luth, le violon, le rebab et les tambours, crée une ambiance unique où l’art ne se résume pas à une simple performance, mais devient une expérience immersive. Les chanteurs, vêtus de costumes traditionnels tels que la djellaba et le fez rouge, plongent le public dans une autre époque, intensifiant l’atmosphère par une scénographie soignée.
La pratique du Malhoun se déroule souvent dans des cadres intimes, où le public devient une partie intégrante du spectacle. En s’installant en demi-cercle autour des artistes, les spectateurs s’engagent activement dans l’expérience. Le rite d’écoute, accompagné de thé à la menthe et de pâtisseries, invite à une immersion presque mystique. Les arômes d’encens et l’intensité du chant renforcent l’atmosphère sacrée et participent à l’engagement total du public, rendant chaque performance unique.
Des maîtres et des poèmes qui traversent les âges
L’histoire du Malhoun est jalonnée de grandes figures poétiques et musicales qui ont marqué ce genre. Des artistes tels que Thami El Madghari, Houcine Toulali et Mohamed Ben Ali Ould Errezii ont renouvelé l’art, insufflant de nouvelles émotions à des poèmes anciens qui continuent d’émouvoir les auditeurs d’aujourd’hui. Parmi les œuvres les plus emblématiques, la qasida Ya Naker L’hsane reste un chef-d’œuvre qui résonne encore dans le cœur des Marocains, notamment par son appel à l’amour et à la miséricorde.
Le Malhoun a également joué un rôle crucial dans l’histoire politique du Maroc. Sous le protectorat franco-espagnol, il est devenu un outil de résistance culturelle, véhiculant des messages patriotiques et d’engagement à travers ses poèmes. Cette dimension engagée a permis au Malhoun de transcender les frontières de l’art pour devenir un instrument de transformation sociale et un vecteur d’unité nationale.
Un patrimoine vivant, un avenir assuré
Aujourd’hui, le Malhoun continue de rayonner dans la scène musicale marocaine. Il est enseigné dans les écoles de musique et les conservatoires du pays, et des festivals comme le Festival International du Malhoun à Meknès contribuent à sa pérennité en le transmettant aux nouvelles générations. Le ministère de la Culture et les associations locales mettent en place diverses initiatives pour préserver cet art et garantir sa transmission.
L’inscription du Malhoun au patrimoine culturel immatériel de l’humanité est une reconnaissance mondiale, mais aussi une opportunité pour renforcer son rayonnement à l’international. Ce patrimoine vivant n’est pas un héritage figé, il continue de se réinventer, porté par des générations de musiciens et de poètes qui l’enrichissent sans cesse.
Le Malhoun : entre passé et présent
Le Malhoun est bien plus qu’une forme artistique traditionnelle : il est un véritable lien entre le passé et le présent du Maroc. Un héritage vivant qui traverse les âges et continue d’incarner l’âme profonde du pays. Cet art poético-musical symbolise l’unité sociale, la créativité et l’esprit de résistance qui ont façonné l’histoire du Maroc.
En tant que patrimoine immatériel de l’humanité, il mérite une reconnaissance mondiale et une protection durable. Le Malhoun demeure un témoignage vibrant de la culture marocaine, offrant à la fois aux Marocains et au monde entier une richesse culturelle inestimable.