Arts plastiques au Maroc : une scène en pleine

Alors que le Maroc lance la 4ᵉ édition de son Prix national des arts plastiques – devenu un marqueur annuel de reconnaissance institutionnelle – et qu’Ahmed Ben Yessef, icône de la modernité marocaine, est mis à l’honneur à Séville, la dynamique artistique du pays s’accélère. Entre l’émergence de nouvelles galeries, la montée en puissance d’artistes jeunes et confirmés, et des réflexions critiques renouvelées, la scène plastique marocaine s’installe plus que jamais comme un espace de création en transformation profonde.

Un héritage moderniste toujours vivant

La peinture marocaine s’est construite dès le milieu du XXᵉ siècle autour d’artistes pionniers qui ont su conjuguer modernité, identité culturelle et ouverture au monde. Des figures fondatrices – qui ont introduit abstraction, symbolisme et motifs amazighs ou arabes dans le vocabulaire plastique – ont façonné un paysage où la peinture occupe un rôle central.

Cet héritage n’est pas figé : il nourrit encore aujourd’hui les artistes contemporains, qu’ils revendiquent une filiation directe ou qu’ils s’en détachent pour explorer de nouveaux médiums. La transmission reste une composante essentielle de l’écosystème artistique marocain.

Une scène contemporaine en expansion : diversité des styles, hybridations et nouvelles pratiques

Depuis les années 2000, les arts plastiques au Maroc connaissent une diversification remarquable. À côté d’une peinture très présente, les artistes explorent la photographie, la sculpture, l’installation immersive, la vidéo ou les formes conceptuelles. Cette hybridation traduit une volonté d’inscrire la création marocaine dans les débats contemporains mondiaux, sans renier ses ancrages culturels.

Les œuvres exposées récemment à Rabat, Casablanca ou Marrakech témoignent de cette pluralité : questionnements identitaires, mémoire, urbanité, environnement, spiritualité, rapport au geste… Autant de thèmes qui nourrissent une scène désormais structurée et suivie par les institutions nationales autant que par les collectionneurs privés.

L’essor d’institutions et de nouveaux espaces d’exposition

Le rôle pivot des musées publics et fondations

Le Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain (Rabat) occupe aujourd’hui une place incontournable. Dix ans après son ouverture, sa collection riche d’environ 400 œuvres et la qualité de sa programmation en font l’un des hauts lieux de la création plastique marocaine. Ses grandes expositions – souvent rétrospectives ou thématiques – contribuent à inscrire les artistes marocains dans un récit national et international cohérent.

À cela s’ajoutent les fondations culturelles qui ont, ces dernières années, renforcé leur soutien à la création contemporaine, en multipliant résidences, expositions et coopérations internationales.

Nouvelles galeries et montée d’un marché de l’art structuré

L’écosystème s’est enrichi de lieux plus récents, à l’image d’Alma Art Gallery, ouverte à Casablanca fin 2024, qui se positionne comme un espace voué à la fois aux artistes confirmés et aux jeunes talents. Les galeries historiques – à Casablanca, Rabat ou Marrakech – continuent de jouer un rôle essentiel dans la promotion internationale des plasticiens marocains et l’organisation de ventes qui soutiennent la profession.

Événements culturels et festivals territorialisés

La scène artistique ne se limite pas aux grandes villes. Le cycle Assilah’s Art Seasons (2024), par exemple, a rassemblé artistes marocains et internationaux autour d’expositions, d’ateliers et de dialogues interdisciplinaires, montrant comment le pays utilise la culture comme vecteur d’ouverture et de rayonnement.

Prix, politiques publiques et encouragement des jeunes artistes

Le Ministère de la Culture a renforcé depuis plusieurs années son dispositif de soutien aux arts plastiques. Le Prix national des arts plastiques, dont la 4ᵉ édition a été lancée en 2025, s’impose comme un rendez-vous majeur, doté de récompenses significatives – du Prix d’excellence (100 000 DH) à un prix dédié aux jeunes artistes peintres (10 000 à 30 000 DH).

Ce prix soutient l’émergence d’une nouvelle génération d’artistes, souvent formés dans les écoles d’art marocaines, mais aussi dans des institutions internationales. Ce renouvellement contribue à la vitalité d’un secteur en quête de reconnaissance mondiale.

Figures majeures et icônes contemporaines

La scène plastique marocaine s’appuie sur des artistes dont la réputation dépasse depuis longtemps les frontières nationales. Parmi eux, Ahmed Ben Yessef, dont l’exposition récente à Séville rappelle l’influence internationale et la longévité créative.

Son travail, ancré dans la mémoire et l’abstraction, constitue un pont entre les pionniers et les générations contemporaines. D’autres artistes confirment cette dynamique : peintres, photographes, sculpteurs et plasticiens offrent un panorama riche, où cohabitent expressivité gestuelle, rigueur géométrique, installations conceptuelles et explorations identitaires.

Débats critiques : entre héritage, institutions et création en mouvement

Au-delà des événements et des prix, la réflexion critique au Maroc est en plein renouveau. Des voix comme celle d’Abderrafie Gueddali insistent sur la nécessité d’un regard plus exigeant : comment penser les arts plastiques marocains en dehors des attentes du marché ou des lectures folklorisantes ? Comment articuler l’histoire, la mémoire et la création contemporaine ?

Ces interrogations s’accompagnent d’un enjeu clé : rendre l’art accessible. Le développement des médiations culturelles, de projets éducatifs et d’initiatives locales vise à élargir les publics et à faire de la création plastique un pilier de la vie culturelle marocaine.

Une scène qui change d’échelle

Entre l’affirmation d’une politique culturelle structurée, la montée d’un marché dynamique, l’émergence de nouveaux talents et le rayonnement international d’artistes confirmés, les arts plastiques marocains connaissent une véritable phase d’expansion.
L’année 2025 apparaît comme un moment charnière où l’héritage moderniste, les ambitions institutionnelles et les scènes émergentes convergent pour projeter l’art marocain vers un nouveau cycle : plus ouvert, plus ambitieux, et plus visible que jamais.